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Chroniques 2014

- Difficile

Ce à quoi il faudrait s’habituer:

-La faim dans les rues, la faim des gens, des chats, des chiens, des bourriques, des haridelles

-Les salaires indignes

  • Les domestiques: Marijo, la cuisinière, Ketline et son neveu triso Soubaiki, Matilia la fine repasseuse: 2 mondes parallèles….
  • Une gouvernance surprenante de l’Institution
  • Les chiens et les coqs qui vivent la nuit en Haïti; Jacques Stéphen Alexis a écrit qu’il n’y a que les Haïtiens qui ne le savent pas….

La lecture de Laënnec Hurbon me met les points sur les «i»: « il n’y a pas de pensée possible de développement en Haïti sans la pensée de la liquidation du duvaliérisme, il n’y a pas de liquidation du duvaliérisme sans la critique de la vie quotidienne: critique de la domesticité, critique de la division lettrés/non lettrés, critique de la subordination du créole au français, critique de l’idéologie de la couleur, critique du culte du petit chef .

Bon, voilà, j’y suis…il m’a fallu 4 ans

- Instantanés…contextés

Taïnos En arrivant dans la vallée qui précède celle de Dondon au pied sud de la Citadelle, Nicole a attiré notre attention sur une jeune femme à la peau cuivrée qui marchait le long de la route «celle-ci, c’est une indienne…». On allait visiter la voute à Minguet. Minguet c’était un flibustier et la voute c’est une grotte dans une vallée genre Vézère tropicale superbe : on passe 9 fois la rivière à guet pour y arriver

Genre J’attendais Nicole qui discutait ferme avec la couturière…je devais rester en voiture pour ne pas payer à prix blanc, la robe que je veux pour Sasha qui m’a dit bonjour Maïe pour la 1ère fois sur skipe ( et on n’est pas arrivées à avoir ce qu’on voulait) . Bon, j’attendais en regardant les gens; j’ai vu un type qui traversait la rue en sandales dorées à talons…. ça m’a fait penser au motard qui portait un adoraaaaable trench ciré rose Barbie avec les manches aux coudes un jour de pluie.

Mangues et églises On circule en voiture sur la rue Espagnole. Nicole au volant, Bernie à côté.

-oh, y’a plein de baptistes dit Nicole en regardant un joli tas de mangues bien empilées sur le trottoir

- mais non , ce sont des adventistes répond Bernadette en lisant sur une devanture

Variétés de mangues en vente actuellement; les baptistes, les doudouces, les tropdouces, les jean-marie, les mangues fils: fils rouges et fils blancs, les rosalie

Variétés d’églises et religions : toutes les protestantes, les évangélistes américaines appelant à la violence et à la haine contre les vaudouisants, contre les homosexuels et enseignant le créationnisme… l’église catholique qui possède depuis toujours les meilleures écoles, la religion musulmane… et d’autres.

Visite Wanga Nègès * passe tous les jours prélever le nectar des fleurs de l’arbuste à côté de celui dit- jupons de femmes de France- de la terrasse de Nicole. A chaque fois, je suis cueillie.

*oiseau mouche

Baron Samedi

On arrive pour la 1ère visite dans une école du quartier. On est dans la rue car on est arrivé à 8h30 et le portail reste fermé jusque la fin de la prière. Nicole a échangé avec une fille d’une dizaine d’années qui passait: elle vit chez une dame et elle ne peut pas aller à l’école, on rentre, c’est une grande maison bourgeoise, pas une école. On fait classe dans le garage, le bureau, le salon, les chambres, les galeries, les balcons. Le directeur nous accueille, maigre, légèrement vouté, costard noir très épaulé, trop grand, chemise et cravate violette, bible sous le bras gauche, riguoise* suspendue au petit doigt de la main droite, il lui manque le chapeau haut de forme… il nous fait attendre sur la galerie d’entrée… je m’immerge dans le manguier proche, mangues vertes suspendues... j’ai raconté à Nicole mon rêve de cette nuit, version haïtienne d’un rêve récurrent: d’habitude je conduis une voiture ou une moto, je m’aperçois qu’il n’y a plus de freins et je me réveille, là je conduis un gros truck, j’arrive en haut d’une côte, j’arrête pour croiser un autre monstre, je pars en marche arrière, je m’aperçois que les freins ne répondent pas, il y a un autre camion en bas de la piste… je me réveille…

Nicole a surpris mon regard et me dit «attention, marche arrière, sans frein».

*Cravache haïtienne formée de 3 lanières de cuir tressées destinée entre autre au dressage des enfants

- BEL AIR

- Pour aller en ville, on peut passer à flanc de morne par la rue Bel-air, récemment refaite. Au carrefour avec la route principale, il y a un commerce de bois: des longues tranches de troncs bordées d’écorce et de différentes essences…comme on parlait piedbois en montant, Nicole s’est arrêtée pour nous montrer un sablier, bel arbre pour illustrer l’expression «passer sous le sablier» qui a trait à ceux en diaspora qui ne donnent plus de nouvelles souvent parce qu’ils ne réussissent pas. En repartant, on a entendu un petit choc contre la carrosserie et 30 secondes après un motard a dit à Nicole «tu as tué un enfant, il est mort par terre!» – un garçon d’une dizaine d’années est au sol - attroupement – un autre motard l’a vu s’agrippant au pare-choc à notre arrêt et tombant au démarrage – ils le portent jusqu’à la voiture - une jeune femme vient dire qu’ils étaient plusieurs – un motard explique à ceux qui arrivent, très remontés contre nous qu’on n’y est pour rien, que le ti moun s’est accroché sans qu’on le voit – l’excitation est forte, les lynchages doivent commencer comme ça –le gamin est allongé dans le pick up, on dit qu’on l’emmène à l’hôpital Justinien, tout proche – le gamin s’assoit, dit qu’il ne veut pas y aller, qu’il va se faire battre…et se sauve en courant. Des gens nous disent de partir… merci les gens qui ont parlé pour nous…on le double toujours courant sur le trottoir.

  • 2 jours plus tard, M. Hautefeuille, chauffeur, raconte qu’il a vécu la même chose. C’est une bande de gamins arnaqueurs qui tentent d’extorquer des sous aux gens déboussolés par ce qui peut arriver de pire aux conducteurs du monde entier: tuer un enfant. ?

Coin d’paradis

Entre le mur d’enceinte de l’Institution et le dos des bâtiments, il y a un passage de l’entrée de l’orphelinat à celle de l’école. A l’abri des regards…les ouvriers s’y reposent …les domestiques papotent…les enfants musardent, buissonnent et dérobent les fruits verts d’un immense manguier que le bon sens veut abattre… les libellules libellent l’air lourd au-dessus d’un grand bouc noir, sphinx au piquet

au bord du sentier des écoliers.

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Published by Haïti - Saint Cado - dans Chroniques de Marie